La manipulation masculine

Les violences faites aux femmes et un sujet de longue date. Depuis toujours on sait qu’elles existent. Mais c’est seulement avec le #MeToo et #Balancetonporc qu’elles ont été vraiment révélées au grand jour. Mais comment cela se fait-il que dans tant d’esprits, les femmes sont inférieures aux hommes et donc … soumises ?

Le sexisme et les discriminations de genres sont encore très présentes dans la vie quotidienne. Pendant des siècles, les femmes ont essayé de comprendre comment elles en étaient arrivées à ce point. Aujourd’hui, au 21ème siècle, le changement est dans l’air du temps, et le ras-le-bol aussi.

Une éducation différente

Les petites filles sont élevées pour être douces, gentilles, bienveillantes, délicates, sensibles, discrètes, alors que les garçons sont élevés pour devenir durs, sérieux, bagarreurs, virils, résistants et protecteurs des femmes. Bien sûr, les méthodes d’éducation ont évolué au fil des siècles et ce schéma est plus une caricature qu’une vérité pour les enfants d’aujourd’hui. Mais pourtant, c’est comme cela qu’ont été éduqués les adultes du 21ème siècle.

Mes biens chères soeurs, manifeste écrit par Chloé Delaume en 2019, prouve cette conclusion. L’autrice s’y livre sur son enfance. Son père était violent. Elle a souvent pu observer sa mère maquiller ses coups. Pourtant, étant femme au foyer, elle s’occupait des enfants, de la maison, faisait les courses … En grandissant, Chloé Delaume a subit le harcèlement des garçons au collège, qui tiraient les cheveux, pinçaient les fesses, et ne comprenaient pas une quelconque résistance. À la faculté, elle s’est fait des amies féministes, et s’est rendue compte de l’impact et de l’importance de la sororité sur sa vie.

Internet et les réseaux sociaux ont grandement facilité ces échanges. Dorénavant, il est possible pour chacun.e de trouver des allié.e.s. Cela fait grandement peur à l’oppresseur : le patriarcat. Car plus les femmes parlent entre elles et plus elles ont de chances de se rendre compte que leur situation n’est pas normale.

Emma, dans son roman graphique La charge émotionnelle s’intéresse au fait que les femmes prennent trop souvent soin des émotions des autres en plus des leurs. Ce n’est pas rare qu’une mère abandonne ou minimise sa carrière pour s’occuper des enfants et ainsi permettre au père de mener une carrière brillante. Donc en plus de la charge mentale, s’ajoute la charge émotionnelle. La mère prend le stress de toute la famille, permettant ainsi d’épargner l’humeur du conjoint.

Quand depuis son enfance, un homme a toujours eût ce qu’il voulait tout de suite, en grandissant la patience est difficile voire impossible à acquérir. Et cela se voit notamment avec les harceleurs de rues, mais aussi au sein du couple. En effet, comme en témoigne très bien Marine Peyrard dans son recueil de poèmes Viande à viol, son compagnon l’a violée dans son sommeil. Elle rentrait de soirée et s’est endormie directement à côté de lui. Elle s’est réveillée pendant son viol et n’a rien dit, sous le choc. La victime avait beau être féministe, informée sur les démarches à suivre et savoir que cela pouvait arriver, elle a mis du temps à réaliser que cela lui était vraiment arrivé, et que l’homme qu’elle aimait en est responsable et capable. La reconstruction fut dure par la suite. L’idée de se dire qu’on ne connait jamais vraiment la personne avec qui l’on est, la sensation de ne plus être soi-même. L’autrice l’exprime à merveille au travers de ces quelques phrases :

« Je cherche

comment me convaincre

que je suis 

la vivante

Personne ne sait

que je porte le deuil

d’une défunte

dont j’habite le corps »

Manipulation mentale

Se sentir déposséder de son corps est une sensation qui revient beaucoup chez les victimes d’agressions sexuelles, tout comme chez les proies de manipulateurs. En effet, lors de ces rencontres, les personnes pensent souvent que elles sont le problème, et non l’autre. Et les manipulateurs font en sorte qu’elles le sachent. Ce phénomène est observable notamment parmi les victimes qui mettent des années à oser aller porter plainte, comme si ce qu’il s’était passé n’existait pas. Et quand elles le réalisent, la reconstruction est tout aussi terrible et fastidieuse.

Sophie Lambda l’aborde avec brio dans sa bande-dessinée Tant pis pour l’amour. L’illustratrice nous raconte sa relation passée avec Marcus, manipulateur notoire et personnalité publique. Il lui fait des compliments à longueur de journée et la fait se sentir bien, jusqu’au jour où il perd les pédales et s’énerve pour un rien, frappe dans des murs … Marcus revient s’excuser juste après, il lui dit combien il est désolée et que c’est la première fois que ce genre de réaction lui arrive. Sophie le croit. Mais les semaines passent et ces réactions recommencent. Au fond du trou, elle décide enfin de rompre. Il lui fait payer et essayant de ternir sa réputation et en l’harcelant de messages. Le manipulateur a réussi son coup, il a détruit la jeune femme. Il est parti avec sa confiance en elle. La reconstruction fut fastidieuse. Pour y arriver, la jeune femme s’est fait aidée d’une psychologue et d’une ex-copine de Marcus qui lui a affirmé qu’elle n’était pas à l’origine de ses problèmes. Par la suite il a recommencé avec une autre compagne. Marcus n’est malheureusement pas le seul à agir de la sorte. Ils sont nombreux et difficilement démasquables tant que l’on a jamais été confronté à un tel personnage.

Bien qu’il n’y ait pas toujours de viols dans une relation toxique, elle n’en reste pas moins problématique. Les blessures mentales sont tout aussi importantes et difficiles à réparer.

Ce thème a également été abordé dans des romances pour jeunes adultes. Le best-seller dans ce domaine est Jamais plus de Colleen Hoover. L’histoire met en scène Lily Bloom, qui s’installe à Boston pour y créer une boutique de fleurs après la mort de son père. Il était violent et sa mère était soumise. Il est donc hors de question pour elle de sortir avec quelqu’un de toxique, ni avec qui que ce soit pour l’instant. Mais lorsqu’elle rencontre Ryle, il parait si gentil qu’elle cède. Au fur-et-à-mesure du temps, sa véritable personnalité ressurgit, il devient violent. Mais il s’excuse et tout repart … pour revenir de plus belle.

Ici, c’est la reproduction des erreurs des parents qui est démontrée. En effet, Lily se retrouve empêtrée dans le même schéma que sa mère, a qui elle a pourtant toujours reprochée de ne pas s’en être éloignée. N’ayant connu que ce modèle, il est difficile pour elle de s’en éloigner ou d’en créer un autre.

L’autrice a écrit un tome deux avec une fin heureuse pour le personnage principal, de quoi donner de l’espoir aux lectrices.

Certaines arrivent donc à sortir de cet enfer, mais encore beaucoup trop en meurent. Sur les réseaux sociaux, on peut retrouver la page Féminicides par compagnons ou ex. Une page qui « recense, dans les médias, les féminicides commis en France dans un contexte conjugual. ».

À la date du 28 avril 2023, on recense 37 victimes depuis le début de l’année civile en France. En 2022, le chiffre s’élevait à 113.

Alors il semblerait que les femmes rencontre ce problème à tout âge, que cela soit avec leurs parents, leurs compagnons ou tout simplement leur entourage. Mais quelle serait la solution ?

L’autrice Chloé Delaume en évoque une première étape dans son manifeste Mes biens chères soeurs (dont nous avons parlé précédemment). Ce petit jeu a une règle simple : dire « badaboum » a chaque fois que l’on entend quelque chose de sexiste. Un jeu collectif bien sûr !

En attendant d’arriver à libérer toutes les victimes de violences conjugales directes ou indirectes, autant continuer à écrire des témoignages et à en parler.

Alice Pernette

L'influence de l'écriture sur l'équité des genres

Par alice pernette

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