Le corps des femmes : un instrument à corde(s) sensible(s)

Depuis petites, les filles entendent parler de leur délicatesse, de leur sensibilité, de leur gentillesse, de leur besoin de faire des enfants. Mais c’est rare (beaucoup moins maintenant), qu’on leur parle de leur force, de leur futur métier.

Combien de fois a-t-on entendu que les filles font médecine pour trouver un mari ? Que le choix de travailler quand on a des enfants est égoïste ? Qu’il faut se remettre au sport tout de suite après l’accouchement ou encore qu’un homme a le droit de dire à sa compagne de s’épiler ? Ce que nous allons voir ici est ce que plusieurs écrivain.e.s et réalisatrices ont exploré : le fait que les diktats du patriarcat sont partout, et le corps de la femme n’y échappe pas.

Geneviève Fraisse, étudiante en philosophie, a écrit nombreuses de ses réflexions, dont certaines ont été publiées. Féminisme et philosophie, rassemble plusieurs de ces textes. Tout au long de cet ouvrage, elle cherche les fondations qui permettraient de rendre conceptuel et intemporel le féminisme. Pour elle, la philosophie est très symbolique et aborde un nombre incalculable de sujets. Le corps était très présent dans ces discussions, et ce dès le 17ème siècle avec Fénelon. Ce penseur insiste en effet pour que l’éducation des garçons et des filles soit équivalente, mais affirme néanmoins que les filles exercent mieux leur pouvoir dans une maison. Depuis, son Traité de l’éducation des filles, a été jugé en France comme misogyne. A contrario en Egypte, il fut très bien vu car il s’adressait directement aux mères et aux filles, c’était donc une marque de respect qui impliquait qu’elles sachent lire. C’est donc le début de la reconnaissance de la raison des femmes, tout en voulant encore contrôler leur champ d’actions.

Quant à la question du corps, l’étudiante Geneviève Fraisse, s’exprime en ces termes : « La question du corps ne fut pas absente des débats depuis trois siècles. Le corps qui empêche l’exercice de la raison, le corps qui souffre de l’union conjugale, le corps qui réclame (au XIXème siècle) la recherche en paternité lors de grossesses « abusives », le corps qui veut choisir le moment de la maternité, le corps qui dénonce le viol ou l’enfermement, le corps qui refuse l’image commerciale qui le transforme en marchandise. ». Le corps d’une femme ne lui appartient donc pas encore pleinement. Cela est surtout dû au fait qu’elle peut porter l’enfant d’un homme, et quelle est physiquement très différente de l’homme.

L’INFLUENCE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Néanmoins, c’est aussi à cette époque que les femmes commencent à se connaître et à découvrir leur corps. Si on fait un bon de quelques années en avant, Florence Dupé La Tour, évoque ce sujet de manière autobiographique dans Pucelle. Dans cette bande-dessinée, l’illustratrice décide de montrer son évolution en temps que femme et la manière dont elle a grandit dans une famille croyante. Ce qui fut le plus compliqué à gérer fut le regard de sa mère, qui considérait qu’il était indispensable pour elle de rester pure. Dans cette éducation très traditionaliste à la limite de la secte, Florence et sa soeur jumelle n’avaient même pas le droit de parler à des garçons. Cela était proscrit et c’était la porte ouverte à toutes sortes de problèmes.

Depuis toujours, il y a toujours eu des comparaisons entre les femmes. Par exemple, dans les années 40 avec l’apparition des pin-up et de Marylin Monroe, l’idéal était de leur ressembler. Mais récemment, les réseaux sociaux ont accentué la visibilité de chacun.e, et par conséquent le nombre de personnes que l’on voit. C’est-à-dire que les personnes que l’on admirait ou critiquait dans les magazines et dans la rue, sont maintenant partout, et sont tout le monde. La peur d’être jugé et moqué s’accentue encore. 

Depuis les années 2010, on voit apparaitre le mouvement Body Positive. C’est un mouvement social en faveur de tous les corps, de toutes les morphologies. Il a vu le jour sur les réseaux sociaux et pousse tout le monde à s’aimer et surtout à aimer son corps. La génération Z (enfants nés entre 1997 et 2010), qui est « né avec un smartphone dans la main », est la plus touchée et la plus influençable. Imaginez essayer de vous construire quand vous voyez à longueur de journée passer des corps, des filles maquillées (avec beaucoup de filtres), des vies « parfaites » … Forcément, cela pousse à la comparaison. En plus du mouvement Body Positive, il y a une forte émergence des comptes bienveillants, qui favorisent autant le bien-être mental que physique.


L’ÉDUCATION PAR INTERNET

C’est d’ailleurs ce qui a inspiré Ovidie et Diglee pour leur roman graphique Libres ! Cette ode à la féminité questionne grandement la sexualité des femmes lesbiennes et hétérosexuelles, et les attentes que chacun.e en a. Comme partout dans notre société, il y a des normes : la sexualité n’y échappe pas. Pourtant quelque chose de très personnel, elle est devenue quelque chose de plus démocratisée ces derniers temps. Pour le meilleur et pour le pire. On ne peut pas négliger que c’est très bénéfique d’éduquer les jeunes sur le sujet et qu’il est parfois compliqué pour eux de savoir par où s’y prendre tous seuls. Souvent, ils se retrouvent devant une infinité de choses. Les réseaux sociaux permettent aux adultes (ou adolescent.e.s), de s’exprimer sur le sujet et de partager leurs expériences. C’est un grand avantage, pour les jeunes qui ne sautent donc pas dans le vide sans parachute. Mais d’un autre côté, cela devient souvent une compétition, où certain.e.s jugent les pratiques des uns et des autres. Alors bien sûr il suffit de suivre les bons comptes, mais cela est parfois compliqué de se dire qu’ils ont tort quand on est jeune. 

Pour en revenir au livre Libres !, les écrivaines expliquent que le sexe est encore trop tabou pour les femmes. Bien qu’on note une évolution, les femmes ont encore beaucoup de mal à parler de sexe, et les hommes à les entendre. Elles doivent être désirables, leur image doit être modelée pour plaire aux hommes. L’image de la femme soumise est encore trop romantisée, et beaucoup oublie que ce n’est pas parce que quelque chose nous plait dans un film ou dans un livre que l’on veut la même chose dans la vie réelle. Je pense notamment au film 365 jours sur Netflix de Barbara Białowąs et Tomasz Mandes. L’histoire est simple : une femme kidnappée tombe amoureuse de son ravisseur, qui la maltraite ou encore la force à le regarder avoir des rapports sexuels. Beaucoup de jeunes l’ont adoré, mais quelle image cela leurs renvoie-t-il de l’amour ? Nous sommes submergés en permanence d’images et de la vie de tous, alors il peut être compliqué parfois de faire le tri.

Certain.e.s tentent d’y remédier. Par exemple, Morgane Moncomble dans son livre En équilibre. Avec la jeune autrice, on suit les aventures de Lara, dix-sept ans qui aime le cirque. C’est pour elle « une de ses façons de respirer ». Elle voltigeait avec sa soeur jumelle jusqu’alors mais cette dernière veut arrêter le cirque. Lara a toujours été considérée comme grosse. Elle veut réussir dans le cirque mais manque de confiance en elle et ses parents sont contre. Elle aime son corps et veut apprendre à l’aimer malgré les remarques des autres, mais cela est compliqué. Jusqu’au jour où elle rencontre quelqu’un qui va lui faire comprendre que son apparence est seulement une partie d’elle, et qu’elle est bien plus que ça ! Sur fond de comédie romantique, cet ouvrage est en réalité bien plus une leçon de vie et une ode à l’acceptation de soi.

Dans un monde où le regard des autres compte encore énormément, pour prendre la voie de l’acceptation de soi, il est important de trouver son cocon. Cela passe par un entourage bienveillant, ou par des ouvrages comme ceux présentés ici. La norme est en réalité seulement une petite partie du monde, il est beaucoup plus riche que celle-ci. Il y en a des centaines d’autres d’ailleurs, comme Le chœur des femmes d’Aude Mermilliod, qui raconte les histoires de centaines de femmes chez leur gynécologue. La sororité est la clé de beaucoup de choses et les bienfaits des réseaux sociaux nous l’on déjà prouvé.

Alice Pernette

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L'influence de l'écriture sur l'équité des genres

Par alice pernette

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